Shark Citizen travaille depuis peu avec les acteurs locaux de l’Île de La Réunion pour favoriser l’émergence de solutions en réponse aux déséquilibres à la source des « problèmes requins » faisant la une. Notre travail consiste à envisager les causes de ces déséquilibres, à identifier le réseau des parties prenantes et à définir en bonne intelligence les pistes possibles pour limiter dans le temps les mesures létales en faisant émerger des alternatives non létales et durables de prévention.
Pas plus que les spécialistes qui étudient la question, nous n’avons de solutions miracles. Notre parti pris est d’échanger avec les principaux concernés, d’écouter leurs points de vue et de trouver un terrain commun pour avancer concrètement plutôt que d’adopter une attitude de blocage systématique stérile. Nous ne débarquons pas avec des solutions toutes faites et nécessairement simplistes, nous ne cherchons pas à imposer quoi que ce soit. Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une démarche d’écoute à l’égard de gens ayant longuement appréhendé le sujet. Il serait prétentieux pour quiconque en métropole de prétendre avoir des idées neuves adaptées en matière de protection mutuelle des usagers et des requins, à l’exception peut-être de Frédéric Buyle qui évoquait déjà il y a deux ans l’occupation de la colonne d’eau par des apnéistes.
Notre travail désormais consiste à unir, pour avancer ensemble et produire des résultats palpables et pérennes. Cela implique quelquefois de prendre sur soi, mais cela renferme la clef de futures réussites collectives.
Si nous avons réalisé quelque chose ces dernières semaines, c’est qu’en réalité peu de choses nous opposent et que des convergences ne demandent qu’à naître dès lors qu’on prend la peine de s’écouter avec respect. Auparavant difficiles, les relations entre Shark Citizen et certaines associations telles que Prévention Requin Réunion et Océan Prévention Réunion viennent enfin de s’assouplir, ouvrant la voie à des actions constructives communes. C’est l’occasion pour nous d’affirmer notre façon de travailler, c’est-à-dire l’approche Shark Citizen ainsi que notre charte d’engagements la décrit : nous sommes force de soutien aux propositions de réponses positives plutôt que de nous satisfaire de logiques d’opposition à des personnes ou à des projets jugés négativement.
Beaucoup semblent attendre de nous que nous ayons des solutions toutes trouvées et que nous prenions parti de façon péremptoire, manichéenne. Cela n’arrivera pas. Si certaines situations sont simples à caractériser, ce n’est pas le cas de celle-ci, dont la complexité oblige d’étudier patiemment les variables de l’équation, de communiquer avec les parties prenantes impliquées, et de se montrer apte à la remise en question quand celle-ci s’impose. En tant qu’association ou qu’individu ayant à cœur de promouvoir des solutions applicables, c’est un processus indispensable. Se remettre en question et s’ouvrir à l’autre sont à la base de toute avancée mesurable.
Les représentants de PRR et d’OPR nous ont acceptés en tant que représentants d’une organisation de protection de la vie marine, passionnés de requins ; ils connaissent nos convictions et nous les leurs. Nous saluons leur ouverture et les remercions de nous avoir accordé leur confiance. Par ailleurs nous sommes heureux d’avoir pu comprendre, à leur contact, certaines de nos erreurs d’interprétation passées, et d’avoir identifié les nombreux points communs qui nous animent et nous portent dans la même direction. Rien de tout cela ne remet en cause nos convictions (partagées) et objectifs finaux (bien au contraire), qui sont comme chacun sait la préservation des requins en tant qu’espèce clef des écosystèmes et comme créatures culturelles, emblèmes de nos apprentissages de la mer.
Cette approche nous permet d’être légitimement positionnés en soutien inconditionnel au développement de solutions non létales qui intègrent les dimensions écosystémique, économique et sociale, dans une optique de durabilité. Jusqu’ici nous déplorons les trop nombreuses divisions entre courants politiques et écoles de pensée, qui nuisent considérablement aux propositions qui sont élaborées et développées. Nous avons décidé de mettre un terme à cette division contre-productive, au moins à notre niveau.
La mesure non létale par excellence à laquelle tout le monde aspire passe par un ré-équilibrage société/écosystème, et c’est sur cela que nous concentrerons notre énergie à l’avenir. Ce ré-équilibrage nécessite une prise en compte des paramètres liés au territoire et aux hommes, avec des valeurs fortes de respect, d’humilité et d’ouverture d’esprit. Ce sont là des valeurs essentielles sans lesquelles rien de noble ni d’efficace n’est durablement envisageable. Ce sont des valeurs, hélas, qui se sont quelquefois perdues à l’occasion de querelles ou de messages méprisants adressés aux personnes vivant le « problème requin » au jour le jour. Notre avis, plus que jamais, est que les jugements sont d’autant plus biaisés et destructifs qu’ils sont hâtifs et sans nuance. Il convient donc de rééquilibrer nos discours et d’y injecter quelque humilité en écoutant celles et ceux qui sont au cœur de la problématique.
La seule solution miracle que nous préconisons à ce stade est que les différentes parties devraient n’en former plus qu’une afin que demain, lorsqu’un dossier proposant des solutions sera posé sur la table, il puisse enfin être soutenu et mis en œuvre efficacement, et aussi pour que s’installent un dialogue ouvert et un véritable effort de compréhension mutuelle. Aussi, nous espérons que notre message sera entendu par d’autres associations, individus, et pourquoi pas des entreprises ?
Les autres solutions esquissées au cours de nos échanges récents seront présentées en temps voulu. Comme il s’agit d’un travail d’équipe complexe, cela peut prendre du temps.
Le drame de mercredi dernier a tout précipité ; victimes d’accusations incensées, nous avons dû justifier nos positions en quelques lignes sur Facebook. Mais ces positions, elles s’accommodent mal d’un tel média ; elles sont le fruit patiemment mûri de longs mois d’étude et d’échanges, qui nous ont permis d’y voir plus clair dans une situation que nous avions nous-mêmes initialement appréhendée de façon maladroite. N’ayant pas souhaité informer nos adhérents de nos découvertes et remontées d’expérience au fur et à mesure de nos investigations, ayant plutôt souhaité faire le tour de la question avant de communiquer d’une manière complète et cohérente, nous n’étions pas prêts à communiquer quand les boulets rouges sont arrivés sur nous. Les positions que nous avons affichées, nous nous doutions donc qu’elles surprendraient et ne feraient pas spontanément l’unanimité. Il faut toutefois que nos adhérents soient rassurés sur le fait que jamais nous ne prenons aucune décision ni n’adoptons aucune posture qui soit en décalage par rapport à notre charte d’engagements.
Pour conclure, nous dirons ceci : nous en sommes donc à la phase 1 :
• Celle où nous cessons de stigmatiser sans discernement une population, une communauté, une personne ou même un requin.
• Celle où l’application d’une pensée globale et de valeurs absolues ne doit plus supplanter les spécificités locales afin de produire des compromis salutaires, et de ne pas s’égarer dans des comparaisons aussi stériles qu’énergivores.
• Celle où nous entamons une phase de réflexion et de recherche autour d’un suivi des populations de requins de récifs à La Réunion et d’une réintroduction progressive. Nous envisageons cette solution, qui reste à étudier, comme une pression territoriale naturelle.
• Celle où nous rendons la mer à ceux qui l’aiment en aidant au développement social et économique d’activités sécurisantes comme l’apnée. Nous envisageons également cet aspect comme une pression, cette fois-ci humaine et sportive.
Chacun de ces points est un levier d’union entre Shark Citizen et différents acteurs locaux. Chacun de ces points est le fruit des échanges et des idées déjà pensés et mises en œuvre sur place depuis deux ans. Il s’agit là des points que nous avons décidé de soutenir et sur lesquels nous avons décidé de nous positionner.
Un premier pas est fait vers plusieurs grandes premières.
Il nous faut désormais un consensus autour de ces quatre points, au-delà du fait que les avis divergent sur les protocoles de prévention létale. Un grand pas sera alors fait dans la direction d’une préservation effective à long terme des populations de requins et de leur écosystème, en harmonie avec les Hommes.